Lors d’une cession, ce mécanisme permet d’indexer une partie du prix de la vente sur les performances futures de l’entreprise. Très utile pour rapprocher les points de vue du vendeur et du repreneur, sa mise en place suppose rigueur et savoir-faire pour assurer la validité de la vente et sécuriser le traitement fiscal du complément de prix.
Lors des négociations des modalités de cession d’une entreprise, le cédant et l’acquéreur potentiel ont naturellement à cœur de défendre leurs intérêts respectifs. Trouver un accord sur le prix de transaction n’est pas toujours chose facile. Dans ce contexte, la clause d’earn out constitue un outil intéressant pour aider les discussions à aboutir et favoriser la conclusion du deal.
« L’earn out », également appelé « complément de prix », désigne un mécanisme permettant de faire bénéficier le cédant des performances futures de l’entreprise cédée.
Concrètement, le vendeur de l’entreprise et son acquéreur conviennent d’un prix de cession comprenant une part fixe - payée au jour du transfert de propriété du fonds de commerce, des titres ou des parts sociales – et une part variable, payable ultérieurement si les conditions retenues par les parties se réalisent.
Cédant et acquéreur se mettent d’accord sur la formule de calcul de ce complément de prix qui sera fonction d’objectifs déterminés ensemble en termes par exemple de chiffre d’affaires ou encore en fonction de soldes intermédiaires de gestion comme l’excédent brut d’exploitation (EBE).
Une clause insérée dans les documents de cession détaille les modalités du dispositif.
La négociation d’une clause d’earn out a souvent pour objectif de favoriser la conclusion d’un accord de cession entre les deux parties alors qu’elles peuvent avoir des visions divergentes de l’entreprise et de ses perspectives.
Cela vise aussi à tenir compte de l’incertitude entourant l’opération de cession qu’elle soit le fait d’un contexte économique général ou découle du risque inhérent à toute transmission, notamment quand le cédant a un rôle clef dans l’entreprise. Alors que, depuis la crise sanitaire, une part de flou persiste concernant les perspectives économiques, la clause d’earn out peut par exemple être une réponse à la difficulté d’établir des projections précises d’activité.
Prenons l’exemple d’un restaurant ayant réalisé chaque année un chiffre d’affaires de près de 200 000 €, avant la crise du covid-19. Son propriétaire souhaite le vendre 140 000 €. Malgré un chiffre d’affaires 2020 amoindri, il estime que l’affluence de clients depuis la réouverture augure d’une forte activité dans les années à venir. L’acheteur, de son côté, perçoit le potentiel de l’établissement mais demeure sceptique sur sa capacité à renouer avec les niveaux d’activité d’avant crise. Il craint que son acquisition ne soit pas rentable au prix demandé par le vendeur. Indexer une partie du prix de vente sur le chiffre d’affaires futurs peut leur permettre de trouver un accord.
Pour l’acquéreur, la clause d’earn out a l’avantage de sécuriser son opération en indexant le prix de son acquisition sur les performances futures de l’entreprise. Si celles-ci sont décevantes par rapport aux objectifs convenus, il déboursera moins que prévu. A l’inverse, le prix de cession ne sera maximal que si les réalisations sont conformes aux attentes. Cela lui permet par ailleurs d’étaler le paiement dans le temps.
Côté cédant, l’intérêt réside d’abord dans la facilitation de la vente. En acceptant une telle clause, il témoigne de sa confiance dans le potentiel de l’entreprise et accorde du temps à l’acheteur. Le mécanisme du complément de prix peut aussi lui conférer un certain avantage sur le plan fiscal, en étalant le paiement des impôts dus au titre de l’éventuelle plus-value de cession. Le bémol provient du fait qu’il n’est pas certain de recevoir in fine le prix de cession maximal et que la perception du complément de prix dépend notamment des décisions de gestion du repreneur, sur lesquelles il n’a plus la main.
L’ajout d’une clause d’earn out à l’acte de cession suppose donc que le vendeur comme l’acquéreur se placent dans un esprit de concorde et voient dans ce dispositif une manière de parvenir à un accord en ayant tous deux intérêt à la réussite de la transmission.
Un changement de management à la tête d’une entreprise est toujours une période délicate. La clause d’earn out peut contribuer au succès de la transition.
Avec ce mécanisme, le dirigeant « sortant » a en effet tout intérêt à ce que la transmission se passe bien afin que les performances de l’entreprise soient au rendez-vous. Il est donc incité à faire en sorte que le passage de relais soit réussi que ce soit auprès des salariés, des partenaires de l’entreprise ou de ses clients.
Cet aspect est d’autant plus important qu’il joue un rôle déterminant dans l’activité de l’entreprise, par ses compétences, son savoir-faire ou ses relations. Les habitués d’un restaurant peuvent ainsi être autant attachés à la cuisine proposée qu’à la personnalité du patron qui les accueille.
La mise en place d’une clause d’earn out suppose beaucoup de vigilance et de rigueur. Il s’agit d’abord de s’assurer de sa validité. Lors d’une cession, l’article 1591 du Code civil prévoit ainsi que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». Dans le cas contraire, la transaction dans son entier peut être frappée de nullité.
Il importe donc que la clause définisse précisément le mode de calcul du complément de prix, en s’appuyant sur des critères objectifs, quitte à rappeler leur mode de détermination.
Le calcul ne doit pas être assis sur une condition qui dépendrait uniquement de la volonté ou de l’appréciation d’une des parties. Il n’y a pas forcément de modèles prédéfinis pour rédiger cette clause. Elle doit être réfléchie au cas par cas, avec l’aide de spécialistes aguerris. Certains éléments sont toutefois incontournables.
Afin que le prix soit jugé déterminé, la clause de complément de prix doit impérativement définir sa formule de calcul et préciser les éléments sur lesquels elle s’appuie en indiquant par exemple comment sont déterminés les référentiels comptables choisis.
Il est possible de définir un seuil de déclenchement de la clause, mais aussi de prévoir un prix plancher et un prix plafond, afin de limiter l’incertitude entourant le montant du complément de prix.
La rédaction doit également mentionner sa durée d’application. Le plus souvent le complément de prix est déterminé au bout d’un à trois ans après la cession.
La clause peut également intégrer des éléments sur le mode de gestion de l’entreprise. L’earn out peut être subordonné au maintien du cédant dans l’entreprise, auquel cas il faut par exemple prévoir les conséquences de son départ anticipé. Si au contraire, le vendeur ne reste pas au sein de l’entreprise, il importe de prévoir pour lui un droit de regard ou d’audit sur les comptes. Il est aussi possible d’interdire certaines actions pouvant influencer le montant du complément de prix pendant la période d’application de la clause. Le nouveau dirigeant pourrait en effet être tenté d’abuser des provisions d’exploitation ou souhaiter réaliser des investissements de long terme quand l’intérêt du vendeur réside plutôt dans des opérations à la rentabilité immédiate.
Enfin, la clause peut aussi prévoir le recours à un tiers expert indépendant pour fixer le montant du complément de prix, en cas de désaccord entre les parties.
Le soin apporté à la rédaction de la clause est d’autant plus important qu’elle peut avoir des incidences sur le traitement fiscal du complément de prix et en particulier sur sa date et son régime d’imposition.
En principe, il est imposable dans les mains du vendeur au titre de l’exercice au cours duquel il est perçu – et non à la date de cession - au régime des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux. C’est donc la flat tax de 30 % qui s’applique, sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec application des éventuels abattements.
Pour cela, le complément de prix doit être « exclusivement déterminé en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la société dont les titres sont l’objet du contrat ». Il ne doit en outre être ni garanti, ni certain au moment de la cession.
Dans certains cas où la clause prévoit le maintien du cédant dans l’entreprise pour une période, l’administration fiscale pourrait être amenée à requalifier le complément de prix comme une rémunération de son activité, et donc à l’imposer dans la catégorie des salaires ou des bénéfices non-commerciaux.
S’agissant des droits d’enregistrement dus par l’acquéreur, celui-ci doit réaliser une estimation du complément de prix et donc du prix de cession total pour que soient calculés les droits de mutation à régler, lors de l’enregistrement de l’acte de cession. Un ajustement pourra ensuite avoir lieu après le versement effectif de l’earn out.
En principe, en comptabilité française, lorsque l’entreprise cédée est acquise par une autre entité, celle-ci doit inclure une estimation du complément de prix probable dans son coût d’acquisition en contrepartie d’une dette dans ses états financiers.
Cependant, selon les normes comptables internationales, si la clause d’earn out prévoit que le cédant reste en place dans l’entreprise, le complément de prix peut, dans certaines conditions, être vu comme une rémunération de ses services et donc être comptabilisé comme une charge.
Pour optimiser l’utilisation d’une clause d’earn out et en maîtriser les conséquences, notamment comptables et fiscales, un accompagnement par des professionnels expérimentés est vivement conseillé.
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