L’évaluation d’un fonds de commerce pour un restaurant est une étape cruciale autant qu’une opération complexe dans laquelle il faudra vous plonger avec un professionnel du chiffre pour ne pas vous noyer sous les calculs et les correctifs…
Que vous souhaitiez acquérir ou vendre votre restaurant, vous ne pourrez échapper à cette question : combien vendre ce type de fonds de commerce ? Autrement dit, quel est son juste prix ? D’un point de vue purement comptable, un restaurant est un fonds de commerce comme un autre et s’évalue comme tel. Toutefois, le secteur des Cafés, Hôtels, Restaurants (CHR) a, par-delà la seule dimension financière, des spécificités locales et objectives à ne pas sous-estimer.
Quel que soit le fonds de commerce en question, la méthode des barèmes est l’approche la plus classique. C’est celle retenue par l’administration fiscale. La consultation des barèmes vous permet d’obtenir une estimation globale sur la valeur du fonds de commerce. Le principe est relativement simple à mettre en œuvre : on applique un coefficient multiplicateur, variable selon le secteur d’activité, au chiffre d’affaires hors taxes dégagé au cours des trois derniers exercices. Le choix du coefficient peut dépendre de nombreux critères, comme l’état des locaux, la croissance du chiffre d’affaires ou la situation géographique de l’établissement.
Dans le secteur CHR, le barème le plus utilisé est celui du Mémento pratique Évaluation aux éditions Francis Lefebvre. Le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) publie également des barèmes gratuits. À titre d’exemple, pour un restaurant, le barème retenu par les éditions Francis Lefebvre en 2020 était compris entre 50 % et 105 % du chiffre d’affaires hors taxes par an, soit 77,5 % de barème moyen. Dans le cas d’un restaurant réalisant 150 000 euros hors taxes de chiffre d’affaires moyen sur les trois dernières années, la valeur du fonds sera comprise entre 75 000 euros et 180 000 euros, pour un montant moyen de 116 250 euros.
Si cette méthode permet de dégager rapidement une première tendance, elle n’est pas la plus précise. Certains éléments d’exploitation, qui ne sont pas pris en compte, peuvent en effet avoir un impact sur la rentabilité et par conséquent sur le prix final.
Une affaire étant habituellement jugée intéressante si elle est rentable, calculer la rentabilité est l’une des méthodes privilégiées par les banques qui peuvent ainsi évaluer votre capacité à rembourser l’emprunt souscrit, généralement sous 7 ans, pour financer l’opération. Pour mesurer la rentabilité de l’entreprise, un examen approfondi de ses résultats comptables s’impose : au-delà du chiffre d’affaires, quantifier les bénéfices que dégage l’entreprise est un indicateur clé de performance à analyser.
Cette méthode se base essentiellement sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), qui fait partie des Soldes Intermédiaires de Gestion (SIG). La formule de calcul de l’EBE est égale au chiffre d’affaires hors taxes additionné des subventions d’exploitation, auquel on soustrait les achats de marchandises, les charges externes, les impôts et taxes et le coût de la masse salariale. À l’issue, il convient de retenir l’équivalent de 3 à 5 fois l’EBE pour obtenir la valorisation du fonds.
Il est à noter que dans le secteur des CHR, l’EBE est le plus souvent retraité. Cela consiste à soustraire à l’EBE comptable les recettes exceptionnelles et, à l’inverse, ajouter les économies que vous pourriez réaliser par rapport à la gestion de l’ancien dirigeant. Vous pouvez par exemple ajouter les frais non essentiels, comme les déplacements de l’ancien dirigeant, sa rémunération ou les frais de voiture de fonction si vous jugez ne pas en avoir l’utilité. Ainsi retraité, l’EBE vous permettra de vous faire une idée plus objective et réaliste de la capacité du restaurant à dégager un excédent.
La valeur d’un restaurant dépend aussi des prix du marché. Il est opportun de comparer avec les prix de vente pratiqués dans un secteur géographique proche du restaurant, à la période de la transaction. Les prix varient en fonction de l’offre et de la demande et de la conjoncture économique. Les services marchands, particulièrement touchés par les mesures de restriction sanitaire, connaissent aujourd’hui une légère reprise.
La principale difficulté de cette méthode d’évaluation est de trouver une affaire suffisamment similaire dans ses caractéristiques pour aboutir à une évaluation pertinente. Dans ce cas de figure, l’accompagnement d’un spécialiste du marché, qui en connaît bien les contours, apparaît indispensable.
La valorisation d’un fonds de commerce de restaurant ne peut toutefois se satisfaire d’une méthode strictement comptable. Les caractéristiques propres de l’établissement sont également à prendre en considération. Ces derniers auront forcément un impact sur le prix final du fonds. Un café-restaurant avec licence IV pour vendre certaines boissons alcoolisées, ou une brasserie avec ou sans extraction en cuisine ne se vendra pas au même prix. Ce sont autant d’atouts particuliers au secteur à faire valoir lors de la vente.
On estime généralement qu’un établissement avec licence IV peut se négocier jusqu’à 30% plus cher qu’un établissement dépourvu d’autorisation. La présence d’une extraction en cuisine, qui peut être complexe à installer, peut faire grimper ou chuter le prix de cession de près de 50 % !
D’autres spécificités, comme la présence - ou l’absence - d’un droit de terrasse, la surface et la capacité de places assises, influent directement sur le prix et donnent des arguments de négociation à l’acquéreur ou au vendeur. Cela nécessite généralement une ou plusieurs visites approfondies de l’établissement concerné et un tour du propriétaire complet.
Parmi les critères d’analyse, le bail commercial est un élément central de la négociation. Selon sa nature, il peut agir sur le prix de cession final. Le montant du loyer sera ainsi à comparer à la valeur locative du marché. Il faut aussi veiller aux dépenses à la charge du locataire, les activités autorisées ou encore à l’échéance du bail commercial. Si ce dernier est à renouveler prochainement, un risque de déplafonnement (augmentation du loyer) peut exister lors de sa révision.
Faites toutefois preuve de vigilance, le bail commercial est un document semé de subtilités et de clauses juridiques que seul un œil professionnel averti peut le plus souvent déceler.
D’autres critères de pondération, plus classiques et généraux, pèseront sur les négociations. À ce titre, l’emplacement et la situation géographique du restaurant sont des critères majeurs. La zone de chalandise et la fréquentation de la clientèle sont évidemment des paramètres essentiels : le restaurant est-il situé dans un quartier d’affaires avec une clientèle régulière à la pause déjeuner ou est-il situé dans une zone rurale ? Dans un quartier touristique ou dans une zone commerciale ? Dans le même registre, la question de la concurrence à proximité immédiate est à analyser de près.
Il vous faudra aussi prendre en compte la qualité du matériel et des équipements et l’état général du restaurant. Si par exemple, des travaux de mise aux normes de sécurité et d’hygiène sont à réaliser, le bien peut perdre rapidement de sa valeur. Il ne faut pas non plus négliger la masse salariale et la qualité du personnel. Un personnel qualifié et compétent sera un argument de poids qui fera pencher la balance.
On constate finalement qu’il n’y a pas une seule méthode pour valoriser un fonds de commerce de restaurant. Si les chiffres ne mentent pas, estimer un fonds de commerce est aussi une affaire de négociation. Un bon prix est un prix qui satisfait toutes les parties, que ce soit pour l’acheteur qui cherchera un prix raisonnable, le vendeur qui doit souvent accepter de mettre son affect de côté mais aussi la banque qui prendra le risque de financer l’opération seulement si la rentabilité est au rendez-vous. Dans tous les cas, que vous souhaitiez vendre ou acheter, il est recommandé de s’entourer de professionnels spécialisés dans ce type d’opérations pour réussir votre transaction.
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